Van Gogh, rêves du Japon / Hiroshige, l’art du voyage

Affiche Pinacotheque de Paris © Pinacothèque de Paris

Affiche Pinacotheque de Paris © Pinacothèque de Paris

« Voyons, on aime la peinture Japonaise, on en a subi l’influence, tous les impressionnistes ont ça en commun, et on n’irait pas au Japon c. à d. ce qui est l’équivalent du Japon, le midi. Je crois donc qu’encore après tout l’avenir de l’art nouveau est dans le midi. », Vincent Van Gogh.

L’artiste-peintre le plus emblématique du courant du japonisme est sans aucun doute Vincent Van Gogh. Il est un des premiers peintres à s’intéresser profondément à l’art japonais dans une volonté de renouveler l’art européen. Il se pose ainsi comme avant-garde des mouvements ultérieurs qui s’intéresseront aux arts hors de l’Europe pour enrichir leur propos. On pensera par exemple au mouvement cubiste et son intérêt pour l’art africain.

La Pinacothèque de Paris a ainsi choisi, durant la période du 3 octobre 2012 au 17 mars 2013, de mettre en place deux expositions simultanées : Van Gogh, rêves du Japon et Hiroshige, l’art du voyage. Ceci est bien sûr un choix muséographique clair de confrontation entre les œuvres des deux artistes, l’un japonais, l’autre hollandais, tout en leur laissant la latitude des expositions monographiques permettant une meilleure appréhension d’un travail artistique personnel.

Cette exposition veut aussi mettre en avant la place prépondérante qu’a eu le travail d’Hiroshige dans la diffusion des estampes en Europe. En effet, le dossier de presse mis en ligne par la Pinacothèque tient à mettre en avant cette idée : L’art d’Hiroshige a été oublié en Europe face à la suprématie du nom d’Hokusai et l’exposition tient avant tout à réparer cet oubli. Cette exposition s’inscrit donc dans un mouvement d’ensemble de réhabilitation et de nouvel intérêt pour les apports japonais à l’art européen. (Voir cet article)

A gauche, Ukiyo-e, Hiroshiga / A droite, Japonaiseries, Van Gogh Licence libre de droit Wikipedia

A gauche, Ukiyo-e, Hiroshiga / A droite, Japonaiseries, Van Gogh
Licence libre de droit Wikipedia

Vincent Van Gogh, Hôpital à Saint Rémy, 1889. Licence libre de droit WIkipedia

Vincent Van Gogh, Hôpital à Saint Rémy, 1889. Licence libre de droit WIkipedia

L’exposition, dédiée à Van Gogh, qui nous intéresse particulièrement par son choix d’œuvres directement positionnées dans le japonisme, a pour volonté de marquer l’influence des estampes sur Van Gogh au-delà simplement de quelques œuvres copiant l’art d’Hiroshige. L’influence est ici analysée comme plus profonde, s’inscrivant dans l’appréhension même du paysage qui s’inspire à partir de 1887 de l’œuvre d’Hiroshige et de bien d’autres artistes japonais. L’exemple visible ci-dessus nous montre que Van Gogh a effectivement copié certaines des œuvres d’Hiroshige, mais il s’en est essentiellement inspiré pour produire des œuvres originales  par leur cadre ou leur sujet. En effet, l’influence se traduit d’abord par un même cadrage des sujets choisis qui font eux-aussi parfois référence à l’estampe japonaise. Les utilisations référencées de la lumière et des couleurs sont aussi vues comme des influences plus implicites. L’art japonais permet aussi à Van Gogh d’acquérir une nouvelle technique de dessin avec l’instrument du roseau taillé qui lui fait expérimenter de nouvelles formes de silhouettes ou de paysages.  Mais l’exposition met aussi en lumière d’autres références nippones utilisées par Van Gogh, tel que la poterie et laques japonaises, visibles notamment à travers l’œuvre Amandier en fleur visible ci-dessous.

Vincent Van Gogh, Amandier en fleur, 1890 Licence libre de droit Wikipedia

Vincent Van Gogh, Amandier en fleur, 1890
Licence libre de droit Wikipedia

Le dossier de presse, et par là l’exposition, est d’autant plus appréciable qu’elle essaie de remettre en perspective la notion de japonisme en posant des questions sur cette fascination pour le Japon, et ses implications d’un point de vue sociale ou politique. En effet, selon l’article, l’étude du japonisme ne se fait pour l’instant que d’un point de vue formaliste, et essaie d’analyser ce mouvement du point de vue d’une Histoire sociale de l’art. (Cf. article)

N.D.

Hokusai: la monographie au Grand Palais

Affiche de l’exposition Hokusai, © Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014

Affiche de l’exposition Hokusai, © Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014

Lorsque nous traitons du Japonisme au XIXe siècle, il est impossible de ne pas évoquer l’artiste japonais qui en a été le plus grand diffuseur, il s’agit d’Hokusai. Il est celui qui a permis à l’art japonais de l’estampe de franchir les frontières jusqu’en Europe, à travers notamment le format des mangas, qui donnait à voir aux artistes européens l’esthétique du dessin japonais et ses principaux motifs.

L’exposition monographique au Grand Palais, consacrée au travail d’Hokusai, permet de démontrer que ce sujet du lien entre art japonais et art occidental est toujours d’actualité comme cet article du blog le développe. En effet, cette exposition se déroulant du 1er octobre 2014 au 18 janvier 2015, en plus de donner à voir de manière presque exhaustive, au vu du nombre d’œuvres exposées, le travail d’Hokusai au fil des années, consacre une salle entière (la première), aux influences de l’art d’Hokusai sur l’art français du XIXe siècle.

Hokusai, manga XII, 1834

Hokusai, manga XII, 1834. Licence libre de droit Wikipedia

Hokusai, Gust of wind, Manga 1820

Hokusai, Gust of wind, Manga 1820. Licence libre de droit Wikipedia

Mais avant d’aller plus avant sur la description de cette salle,il parait judicieux de vous présenter le site constitué par le Grand Palais et dédié exclusivement à l’exposition, qui donne à voir de manière très pédagogique et à travers plusieurs média, des informations complémentaires à l’exposition ou même une vue globale des thèmes présentés dans l’exposition pour les personnes n’ayant pas l’occasion de se déplacer pour la visiter. Ainsi, cet article fait de plusieurs liens permet de se balader au sein de plusieurs dossiers qu’ils soient pédagogiques, dédiés au jeune public, ou dédiés à une période de la vie artistique d’Hokusai. Cette page internet permet aussi de mettre en avant les différents média utilisés pas le Grand Palais pour compléter la visite de l’exposition. Une application smartphone a été mise en place et est présenté ici comme moyen d’interaction plus personnel avec les œuvres exposées ; les conférences ayant eu lieu autour de l’exposition ont été filmées et sont ici mises à disposition du grand public curieux de compléter ses connaissances. Des concours sont même mis en place pour les personnes désireuses de se frotter à l’art d’Hokusai, puisqu’ils proposent aux internautes de réinterpréter des œuvres d’Hokusai à l’heure du design, puisque les œuvres sont destinées à être imprimées sur des t-shirts. Ainsi, l’influence de l’art d’Hokusai apparait ici dans toute sa contemporanéité.

Mais revenons à cette fameuse salle dédiée à notre sujet, l’influence de l’estampe japonaise sur l’art européen du XIXe siècle. Cette salle qui a pour nom dans l’exposition, « Hokusai, une histoire française », et l’article qui en donne le résumé permet de dévoiler à grands traits l’influence majeure d’Hokusai sur l’art français. Cette influence débute dès 1856 avec les œuvres sur porcelaine de Felix Bracquemond, et s’étend aux œuvres des impressionnistes comme celles de Monet ou Van Gogh. Ce japonisme est grandement relayé par des critiques et collectionneurs qui participent à donner à ce courant ses lettres de noblesse. L’article prend l’exemple de personnages tels qu’Edmond de Goncourt ou Vincent Van Gogh qui veulent, à travers le japonisme, régénérer l’art occidental.  L’article se termine par une courte chronologie situant la fin du japonisme à la fin de l’art nouveau.

Tout en donnant des éléments importants sur la portée de l’œuvre d’Hokusai en France, malgré un format très court, l’article n’échappe pas à quelques critiques portant notamment sur les images utilisées. En effet, tout en permettant d’illustrer le texte, elles donnent aussi à croire qu’elles sont des images des œuvres présentes dans l’exposition. Or, Il n’en est rien pour les tableaux de Monet qui n’apparaissent à aucun moment dans l’exposition du Grand Palais.

Oeuvre faisant partie de la série

Hokusai, Inume pass in the Kai province, 1830 Oeuvre faisant partie de la série « 36 vue du Mont-Fuji ». Licence libre de droit Wikipedia

Pour compléter cette présentation de l’exposition, je ferais une courte revue de la muséographie choisie par le Grand Palais. Le parcours dans l’exposition est classique puisqu’il suit la chronologie de l’artiste, mais cela est assez bien justifié par la pratique japonaise de changement de nom suivant les étapes de la vie. Ainsi, les périodes artistiques d’Hokusai sont très reconnaissables grâce à cette pratique du changement d’identité, puisqu’à chaque nom correspond un style, des orientations différentes.Par exemple, l’oeuvre présente ci-dessus fait partie de sa période IITSU, s’étalant de 1820 à 1835. Le dossier pédagogique présent sur l’article du Grand Palais, cité précédemment, résume très bien cette identité caméléon d’Hokusai, tout en proposant des fiches explicatives de certaines œuvres. Une lecture en amont de ce dossier permet assurément une meilleure visite, il est donc dommageable que ce genre d’outils ne soit pas mis en avant dans le site, par exemple lors de l’achat des billets.

Je terminerais par indiquer un autre article du blog, qui est complémentaire au sujet traité ici, puisqu’il s’intéresse de manière plus originale à l’influence de l’art européen sur les œuvres d’Hokusai  Cette question a aussi été traitée dans l’exposition monographique à travers les textes explicatifs qui remettent toujours en perspective de manière pédagogique les œuvres exposées notamment en analysant la relation d’Hokusai à l’art européen.

N.D.

Retour sur les expositions passées / Aperçu sur les expositions présentes

    Nous pouvons juger de l’attrait tout particulier qu’exerce à l’heure actuelle le japonisme sur les publics de tous les pays au nombre d’expositions qui ont eu lieu ou qui ont lieux en ce moment même. La rencontre de l’orient et de l’occident, ainsi que le fait que des peintres connus du grand public, les impressionniste, soient des acteurs de ce mouvement, sont probablement parmi les motifs de cet intérêt.

    La grande exposition qui a lancé ce développement des expositions  et un renouveau dans l’approche du japonisme est celle qui a eu lieu au Cleveland Museum of Art  (Ohio, USA) en 1975, intitulée : Japonisme : Japanese influence on French art, 1854-1910. Le chercheur américain Gabriel Weisberg Lire la suite

Le regard du XXIe siècle sur le japonisme : vers une définition plus complète et complexe

   Le terme « japonisme » a résonné sur la scène artistique européenne de la fin du XIXe et du début du XXe, reprenant l’appellation employée par le collectionneur d’art français Philippe Burty vers 1870, avant que ne s’en emparent les historiens de l’art au XXe et encore à l’heure actuelle, pour tenter de définir sa nature, son champ d’application et ses origines.

   L’examen de l’historiographie permet de mettre en évidence une évolution notable quant à l’appréhension de ce terme, de laquelle dépend l’angle d’étude privilégié par les historiens de l’art. Ainsi nous nous proposons de comparer deux articles scientifiques, le premier datant de 1961, le second de 2008, afin d’illustrer cette évolution dans l’approche du japonisme, et les modifications apportées par diverses contributions depuis les années 1960.

Lire la suite