Le japonisme hors de France : une approche plus hésitante

   L’article que nous proposons ici veut donner un aperçu de la place et du traitement accordé, dans les ressources numériques, au japonisme hors de France.
Le japonisme est en effet souvent présenté comme un mouvement s’étant propagé dans toute l’Europe, cependant, la plupart des articles même non francophones se réfère principalement à son développement en France, et notamment aux artistes français qui se sont inspirés de l’art japonais (ainsi, par exemple, l’article « Japonisme » sur le site Heilbrunn Timeline of Art History du Metropolitan Museum of Art). Cela s’explique peut-être par le fait que la prise de conscience de l’omniprésence et de l’influence de l’art japonais a eu lieu en France, de même que par la suite, l’analyse et la progressive théorisation de cette influence. On relèvera notamment que le terme « japonisme » communément adopté dans toutes les langues a été institué par un collectionneur français.

    Un peintre étranger est cependant assez régulièrement cité, il s’agit de James Whistler, peintre d’origine américaine mais qui passa la plus grande partie de sa vie en Europe, entre Londres et Paris. Cette forte implication à Paris explique peut-être la place qui lui a été accordée dans le japonisme, car même si ce courant est présenté comme s’étant tout d’abord développé en Angleterre, à l’occasion de l’exposition universelle de 1862, cette information concernant l’Angleterre est souvent la seule évoquée, l’entrée en scène de la France quelques années plus tard surpassant le contexte artistique anglais.
L’intérêt porté à Whistler s’explique aussi par son intégration dans la nouvelle démarche qui occupe les historiens de l’art étudiant le japonisme. En effet les articles qui évoquent l’artiste mettent en avant la double influence du Japon dans ses œuvres : elles se divisent en une première phase où prime tout d’abord l’intégration de motifs typiquement japonais, avant que les œuvres de Whistler ne se tournent vers une réappropriation des principes de composition et de l’organisation spatiale des estampes japonaises. Cette différenciation entre une influence superficielle et une plus déterminante pour l’art du XXe siècle correspond à la lecture privilégiée du japonisme à l’heure actuelle, comme notre article ‘Le regard du XXIe siècle sur le japonisme‘ l’expose.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

   Cependant le chemine artistique suivi par Whistler se développant par la suite au-delà de l’influence de l’art japonais, cet aspect de son œuvre n’est pas la plus commentée. Le site Heilbrunn Timeline of Art History du Metropolitan Museum of Art propose ainsi un lien vers une ressource en ligne, un site de l’université de Glasgow sur les correspondances de Whistler, qui propose une rubrique biographique où il n’est pas fait mention de l’influence de l’art japonais sur son œuvre. Afin d’approfondir, le rapport de l’Angleterre au japonisme, nous proposons un article sur l’artiste britannique Aubrey Breadsley (lien à suivre) dont l’œuvre a été récemment examinée à travers ses rapports avec le japonisme.

    A ceux que la question du japonisme en Belgique intéresserait, nous proposons deux liens vers des articles du même auteur, Julie Bawin qui est présentée par le site Korekos dont est issu l’un des articles, comme l’une des rares spécialistes du japonisme en Belgique avec Yoko Takagi, ce qui dénote des faibles prolongements en Belgique de l’étude du japonisme. Le premier article est proposé sur le magazine en ligne de l’université de Liège, Culture, intégré à un dossier sur le Japon. L’article intitulé « Le Japonisme : Naissance et prolongements » se veut assez généraliste, il replace le développement du japonisme en Europe avant de s’intéresser plus précisément au cas du japonisme en Belgique  et d’expliquer les raisons de son développement plus tardif. L’article propose également une ouverture sur les liens de ce courant avec l’architecture, et sur ce que l’auteur nomme le « néo-japonisme » des années 50.

    Le second article « Le Japonisme en Belgique, l’affiche Art Nouveau et l’estampe ukiyo-e » est un article très développé sur la relation entre ces thèmes. Nous invitons le lecteur intéressé à le découvrir et nous souhaiterions dire quelques mots du site sur lequel il pourra le consulter, Koregos. C’est une revue et une encyclopédie multimédia en ligne consacrées aux arts, et souhaite mettre à profit les techniques numériques nouvelles afin de « promouvoir la diffusion de la culture et permettre à tout un chacun de s’en emparer ». L’article est ainsi plus véritablement un dossier, qui comporte outre le corps du texte, des petites rubriques qui présente l’auteur, un résumé et un sommaire. Cependant nous pouvons regretter que l’article qui nous intéresse ne soit pas divisé en différentes parties, il se présente d’un seul tenant et n’est donc pas forcément très digeste. De plus les illustrations sont présentées en petit format, elles doivent être sélectionnées afin de mieux les voir. Il n’y a donc pas un grand confort visuel de lecture des images qui sont cependant essentielles dans un article d’histoire de l’art.

   Enfin nous proposons un lien vers la présentation d’une exposition qui a eu lieu au Petit Palais en 2010 sur un artiste d’origine italienne, Guiseppe de Nittis, qui présente certaines influences japonisantes dans son œuvre. Le site est particulièrement intéressant, il présente une vidéo de l’exposition, des réproductions de bonne qualité de certaines œuvres ainsi qu’un dossier de presse très complet.

H.A.

Bibliographie

« Bilographical notes » in The Correspondence of James McNeill Whistler. University of Glasgow. En ligne [consulté le 17/04/2015].

« Guiseppe De Nittis. La modernité élégante » in Petit Palais. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. En ligne [consulté le 10/04/2015].

BAWIN, Julie, « Le Japonisme, Naissance et prolongements » in Culture. Université de Liège, 2010. En ligne [consulté le 10/04/2015].

BAWIN, Julie, « Le japonisme en Belgique, l’affiche Art Nouveau et l’estampe Ukiyo-e », in Koregos, 2003, mis en ligne le 08/10/2014, [consulté le 10/04/2015].

IVES, Colta, « Japonisme » in Heilbrunn Timeline of Art History. New York: The Metropolitan Museum of Art, 2000. En ligne [consulté le 17/04/2015].

Présentation de la ressource Gallica : dossier « France-Japon ».

   Nous voudrions présenter dans cet article une ressource numérique abordant le thème du japonisme qui nous a semblé particulièrement intéressante et bien construite.

   Gallica est la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France. Le site qui a été lancée en 1997 est accessible à tous. Il propose des collections numérisés de livres, revues, images ou encore archives sonores,  regroupées selon des grands thèmes, notamment celui de « France-Japon ». Il est lui-même divisé en plusieurs « parcours thématiques » comme « Relations Officielles », « Du récit de voyage au reportage » et également deux parcours qui concernent l’art : « Découverte de l’art japonais »  et « Le japonisme ». Il a donc été choisi de ne pas intégrer la découverte de l’art japonais à la notion de japonisme, alors que cet aspect est habituellement considéré comme partie intégrante de la définition du japonisme.
Ces deux rubriques sont elle-même divisées en un certain nombre de sous-rubriques. La navigation d’un thème à l’autre est facilitée par la présence d’un menu ancré dans la partie gauche des pages du site qui permet de visualiser l’ensemble des rubriques. Ce choix est d’autant plus appréciable que la division en deux thèmes d’un sujet qui est habituellement traité d’un seul tenant, peut porter à confusion.
En effet, dans le cadre d’approches traditionnelles du japonisme, les sous-rubriques « Aux expositions universelles », « Les grands marchands d’art », « Les grands collectionneurs » auraient leur place dans un article portant sur le japonisme. Ainsi l’article de Yvonne Thirion, mentionné dans notre article « Le regard du XXIe siècle sur le japonisme » est une étude sur ces trois thèmes. Cependant la division en rubriques adoptée par le site Gallica reflète davantage les choix historiographiques actuels de séparer l’engouement pour les arts japonais, de l’influence plus profonde qu’ont pu avoir les estampes japonaises sur certains artistes. La rubrique « Le japonisme » propose ainsi une approche original du concept, à travers quatre sous-rubriques dont la première, « L’invention du japonisme » se propose de revenir sur l’historiographie du terme. La rubrique sur George Bigot propose de s’intéresser à un artiste français qui s’aventura au Japon pour s’immerger dans cette culture dont il ne percevait que des fragments en France. Le japonisme littéraire, thème peu répandu en comparaison de la place occupée par le japonisme en peinture, est également traité.

Exemple d'une revue numérisée consultable sur Gallica : Couverture du

Exemple d’une revue numérisée consultable sur Gallica : Couverture du « Japon artistique. Documents d’art et d’industrie réunis par S. Bing » (Paris, 1888-1891). Licence Google Image, Reproduction autorisée.

   Comme nous l’avons précisé, le site cherche avant tout une facilité de navigation et une clarté dans sa mise en page afin de présenter de manière la plus accessible possible les différents documents numérisés qui sous-tendent la création de chaque rubrique. En effet, elles sont basées sur une sélection de livres, revues ou gravures numérisés provenant des collections de la BnF. Les sous-rubriques se présentent ainsi sous la forme de petites sections qui regroupent un certain nombre de documents numérisés, présentés par un petit texte explicatif qui renvoie vers les différents documents par des liens insérés dans le texte au gré des citations. L’accès aux documents peut se faire également directement par le titre de la section  qui renvoie vers une page listant l’ensemble des documents se rapportant au thème de la section. Nous pouvons noter que certains liens dans les textes explicatifs renvoient également vers d’autres sites afin d’obtenir des informations complémentaires, comme vers le Dictionnary of art historians.

   Un encadré plus général présentant le thème de la sous-rubrique est également inséré au début de la page, auquel est joint un second encadré donnant un accès direct aux documents les plus à même d’être recherchés par un internaute ou d’intéresser le public.
Les textes explicatifs sont particulièrement intéressants et bienvenus, car les documents proposés sont nombreux et ne sont pas forcément faciles d’accès aux non-connaisseurs, les documents proposés sont assez érudits et nécessitent une contextualisation afin de pouvoir les appréhender. Certains documents s’adressent davantage à des chercheurs qu’aux curieux (par exemple : Feuilles de « momidzi ». Etudes sur l’histoire, la littérature, les sciences et les arts des japonais par Léon de Rosny, publié en 1901).

    Cependant ce site n’en demeure pas une ressource essentielle pour toute personne intéressée par le japonisme et permet de se replonger dans le contexte littéraire et artistiques de la fin du XIXe grâce aux numérisations d’ouvrages et aux reproductions de gravures d’excellente qualité.

H.A.

Webographie

BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE. Gallica : bibliothèque numérique « France-Japon». En ligne [consulté le 30/03/2105].

Le regard du XXIe siècle sur le japonisme : vers une définition plus complète et complexe

   Le terme « japonisme » a résonné sur la scène artistique européenne de la fin du XIXe et du début du XXe, reprenant l’appellation employée par le collectionneur d’art français Philippe Burty vers 1870, avant que ne s’en emparent les historiens de l’art au XXe et encore à l’heure actuelle, pour tenter de définir sa nature, son champ d’application et ses origines.

   L’examen de l’historiographie permet de mettre en évidence une évolution notable quant à l’appréhension de ce terme, de laquelle dépend l’angle d’étude privilégié par les historiens de l’art. Ainsi nous nous proposons de comparer deux articles scientifiques, le premier datant de 1961, le second de 2008, afin d’illustrer cette évolution dans l’approche du japonisme, et les modifications apportées par diverses contributions depuis les années 1960.

Lire la suite