Aubrey Beardsley. Le japonisme à l’anglaise

L’art nouveau, mouvement artistique européen de la fin du XIXe siècle, est un courant multiple qui a permis de développer le japonisme dans plusieurs formes d’art, que ce soit la sculpture, la peinture ou les arts décoratifs. L’artiste qui nous intéresse aujourd’hui, a fait partie du mouvement art nouveau anglais, et reste connu pour ses affiches et illustrations en noir et blanc dont les sujets sont caractéristiques de la fin du XIXe siècle anglais.  Avant d’aller plus avant dans les caractéristiques esthétiques concernant ses oeuvres, faisons d’abord une courte biographie de l’artiste. Aubrey Beardsley est né le 21 août 1872 à Brighton, ville au sud de Londres, et mourut très jeune, à 26 ans, tout en laissant derrière lui une emprunte artistique très forte, notamment à travers ses illustrations dans la revue anglaise Studio, diffusée à grande échelle en Europe. Pour produire ses œuvres si reconnaissables, Beardsley a usé d’influences diverses comme le pré-raphaélisme, à travers la figure d’Edward Burne-Jones ou Dante Gabriel Rossetti ; mais aussi l’estampe japonaise. C’est à cette dernière influence que nous nous penchons dans cet article.

Edward Burne Jones, The Baleful head, 1887

Edward Burne Jones, The Baleful head, 1887. Licence libre de droit Wikipedia

L’estampe japonaise permettait aux artistes en quête de renouvellement de trouver une alternative à l’art occidental post-renaissant. Beardsley, comme nous l’expliquent plusieurs articles scientifiques sur la question, a donc beaucoup fait usage de la « manière Jap » selon ses termes, ou du japonisme, pour la création de ses œuvres. Cette influence parait évidente dans des œuvres comme la Jupe du Paon, mais sont aussi visibles dans d’autres œuvres comme la Toilette de Salomé, travaillant sur les espaces vides et la rigidité des lignes. Cette inspiration japonaise provient directement des estampes, mais aussi d’un autre artiste anglais s’inspirant de l’art japonais, James Mc Neill Whistler, dont Beardsley reprend certains motifs présents notamment dans l’oeuvre Caprice en violet et or: le paravent doré.

Aubrey Beardsley, La Jupe paon, illustration pour Salomé d'Oscar Wilde, 1892. Licence libre de droit Wikipedia

Aubrey Beardsley, La Jupe paon, illustration pour Salomé d’Oscar Wilde, 1892. Licence libre de droit Wikipedia

Une autre influence de l’estampe japonaise sur l’art de Beardsley serait le sujet de l’érotisme et la manière dont il est traité. En effet, l’artiste s’inspira pour ses dessins érotiques du dessin japonais, plus minutieux dans leurs transcriptions du corps et des reliefs des parties intimes du corps. Cette manière d’illustrer le corps allait à l’encontre des mœurs de la société victorienne de la fin du XIXe siècle.

Aubrey Beardsley, Aristophanes Lysistrata, 1896. Licence libre de droit Wikipedia

Aubrey Beardsley, Aristophanes Lysistrata, 1896. Licence libre de droit Wikipedi

«  On avait l’habitude de voir chez Beardsley les estampes japonaises les plus explicitement érotiques et les plus raffinées. Les plus sauvages fantaisies d’Utamaro étaient encadrées sur des fonds délicatement colorés, et elles n’étaient en aucune façon décentes, même vues à une distance raisonnable. Il y a peu de collectionneurs de ces choses, car elles ne peuvent être exposées. » (Julius Meier-Graefe, critique allemand éditeur du Pan, équivalent de la revue le Studio en Angleterre dans laquelle Beardsley faisait ses illustrations)

Pour plus d’oeuvres de Beardsley, voir la page dédiée, au musée du Tate Britain. 

N.D.

Retour sur les expositions passées / Aperçu sur les expositions présentes

    Nous pouvons juger de l’attrait tout particulier qu’exerce à l’heure actuelle le japonisme sur les publics de tous les pays au nombre d’expositions qui ont eu lieu ou qui ont lieux en ce moment même. La rencontre de l’orient et de l’occident, ainsi que le fait que des peintres connus du grand public, les impressionniste, soient des acteurs de ce mouvement, sont probablement parmi les motifs de cet intérêt.

    La grande exposition qui a lancé ce développement des expositions  et un renouveau dans l’approche du japonisme est celle qui a eu lieu au Cleveland Museum of Art  (Ohio, USA) en 1975, intitulée : Japonisme : Japanese influence on French art, 1854-1910. Le chercheur américain Gabriel Weisberg Lire la suite

Le japonisme hors de France : une approche plus hésitante

   L’article que nous proposons ici veut donner un aperçu de la place et du traitement accordé, dans les ressources numériques, au japonisme hors de France.
Le japonisme est en effet souvent présenté comme un mouvement s’étant propagé dans toute l’Europe, cependant, la plupart des articles même non francophones se réfère principalement à son développement en France, et notamment aux artistes français qui se sont inspirés de l’art japonais (ainsi, par exemple, l’article « Japonisme » sur le site Heilbrunn Timeline of Art History du Metropolitan Museum of Art). Cela s’explique peut-être par le fait que la prise de conscience de l’omniprésence et de l’influence de l’art japonais a eu lieu en France, de même que par la suite, l’analyse et la progressive théorisation de cette influence. On relèvera notamment que le terme « japonisme » communément adopté dans toutes les langues a été institué par un collectionneur français.

    Un peintre étranger est cependant assez régulièrement cité, il s’agit de James Whistler, peintre d’origine américaine mais qui passa la plus grande partie de sa vie en Europe, entre Londres et Paris. Cette forte implication à Paris explique peut-être la place qui lui a été accordée dans le japonisme, car même si ce courant est présenté comme s’étant tout d’abord développé en Angleterre, à l’occasion de l’exposition universelle de 1862, cette information concernant l’Angleterre est souvent la seule évoquée, l’entrée en scène de la France quelques années plus tard surpassant le contexte artistique anglais.
L’intérêt porté à Whistler s’explique aussi par son intégration dans la nouvelle démarche qui occupe les historiens de l’art étudiant le japonisme. En effet les articles qui évoquent l’artiste mettent en avant la double influence du Japon dans ses œuvres : elles se divisent en une première phase où prime tout d’abord l’intégration de motifs typiquement japonais, avant que les œuvres de Whistler ne se tournent vers une réappropriation des principes de composition et de l’organisation spatiale des estampes japonaises. Cette différenciation entre une influence superficielle et une plus déterminante pour l’art du XXe siècle correspond à la lecture privilégiée du japonisme à l’heure actuelle, comme notre article ‘Le regard du XXIe siècle sur le japonisme‘ l’expose.

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   Cependant le chemine artistique suivi par Whistler se développant par la suite au-delà de l’influence de l’art japonais, cet aspect de son œuvre n’est pas la plus commentée. Le site Heilbrunn Timeline of Art History du Metropolitan Museum of Art propose ainsi un lien vers une ressource en ligne, un site de l’université de Glasgow sur les correspondances de Whistler, qui propose une rubrique biographique où il n’est pas fait mention de l’influence de l’art japonais sur son œuvre. Afin d’approfondir, le rapport de l’Angleterre au japonisme, nous proposons un article sur l’artiste britannique Aubrey Breadsley (lien à suivre) dont l’œuvre a été récemment examinée à travers ses rapports avec le japonisme.

    A ceux que la question du japonisme en Belgique intéresserait, nous proposons deux liens vers des articles du même auteur, Julie Bawin qui est présentée par le site Korekos dont est issu l’un des articles, comme l’une des rares spécialistes du japonisme en Belgique avec Yoko Takagi, ce qui dénote des faibles prolongements en Belgique de l’étude du japonisme. Le premier article est proposé sur le magazine en ligne de l’université de Liège, Culture, intégré à un dossier sur le Japon. L’article intitulé « Le Japonisme : Naissance et prolongements » se veut assez généraliste, il replace le développement du japonisme en Europe avant de s’intéresser plus précisément au cas du japonisme en Belgique  et d’expliquer les raisons de son développement plus tardif. L’article propose également une ouverture sur les liens de ce courant avec l’architecture, et sur ce que l’auteur nomme le « néo-japonisme » des années 50.

    Le second article « Le Japonisme en Belgique, l’affiche Art Nouveau et l’estampe ukiyo-e » est un article très développé sur la relation entre ces thèmes. Nous invitons le lecteur intéressé à le découvrir et nous souhaiterions dire quelques mots du site sur lequel il pourra le consulter, Koregos. C’est une revue et une encyclopédie multimédia en ligne consacrées aux arts, et souhaite mettre à profit les techniques numériques nouvelles afin de « promouvoir la diffusion de la culture et permettre à tout un chacun de s’en emparer ». L’article est ainsi plus véritablement un dossier, qui comporte outre le corps du texte, des petites rubriques qui présente l’auteur, un résumé et un sommaire. Cependant nous pouvons regretter que l’article qui nous intéresse ne soit pas divisé en différentes parties, il se présente d’un seul tenant et n’est donc pas forcément très digeste. De plus les illustrations sont présentées en petit format, elles doivent être sélectionnées afin de mieux les voir. Il n’y a donc pas un grand confort visuel de lecture des images qui sont cependant essentielles dans un article d’histoire de l’art.

   Enfin nous proposons un lien vers la présentation d’une exposition qui a eu lieu au Petit Palais en 2010 sur un artiste d’origine italienne, Guiseppe de Nittis, qui présente certaines influences japonisantes dans son œuvre. Le site est particulièrement intéressant, il présente une vidéo de l’exposition, des réproductions de bonne qualité de certaines œuvres ainsi qu’un dossier de presse très complet.

H.A.

Bibliographie

« Bilographical notes » in The Correspondence of James McNeill Whistler. University of Glasgow. En ligne [consulté le 17/04/2015].

« Guiseppe De Nittis. La modernité élégante » in Petit Palais. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. En ligne [consulté le 10/04/2015].

BAWIN, Julie, « Le Japonisme, Naissance et prolongements » in Culture. Université de Liège, 2010. En ligne [consulté le 10/04/2015].

BAWIN, Julie, « Le japonisme en Belgique, l’affiche Art Nouveau et l’estampe Ukiyo-e », in Koregos, 2003, mis en ligne le 08/10/2014, [consulté le 10/04/2015].

IVES, Colta, « Japonisme » in Heilbrunn Timeline of Art History. New York: The Metropolitan Museum of Art, 2000. En ligne [consulté le 17/04/2015].