Hokusai: la monographie au Grand Palais

Affiche de l’exposition Hokusai, © Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014

Affiche de l’exposition Hokusai, © Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014

Lorsque nous traitons du Japonisme au XIXe siècle, il est impossible de ne pas évoquer l’artiste japonais qui en a été le plus grand diffuseur, il s’agit d’Hokusai. Il est celui qui a permis à l’art japonais de l’estampe de franchir les frontières jusqu’en Europe, à travers notamment le format des mangas, qui donnait à voir aux artistes européens l’esthétique du dessin japonais et ses principaux motifs.

L’exposition monographique au Grand Palais, consacrée au travail d’Hokusai, permet de démontrer que ce sujet du lien entre art japonais et art occidental est toujours d’actualité comme cet article du blog le développe. En effet, cette exposition se déroulant du 1er octobre 2014 au 18 janvier 2015, en plus de donner à voir de manière presque exhaustive, au vu du nombre d’œuvres exposées, le travail d’Hokusai au fil des années, consacre une salle entière (la première), aux influences de l’art d’Hokusai sur l’art français du XIXe siècle.

Hokusai, manga XII, 1834

Hokusai, manga XII, 1834. Licence libre de droit Wikipedia

Hokusai, Gust of wind, Manga 1820

Hokusai, Gust of wind, Manga 1820. Licence libre de droit Wikipedia

Mais avant d’aller plus avant sur la description de cette salle,il parait judicieux de vous présenter le site constitué par le Grand Palais et dédié exclusivement à l’exposition, qui donne à voir de manière très pédagogique et à travers plusieurs média, des informations complémentaires à l’exposition ou même une vue globale des thèmes présentés dans l’exposition pour les personnes n’ayant pas l’occasion de se déplacer pour la visiter. Ainsi, cet article fait de plusieurs liens permet de se balader au sein de plusieurs dossiers qu’ils soient pédagogiques, dédiés au jeune public, ou dédiés à une période de la vie artistique d’Hokusai. Cette page internet permet aussi de mettre en avant les différents média utilisés pas le Grand Palais pour compléter la visite de l’exposition. Une application smartphone a été mise en place et est présenté ici comme moyen d’interaction plus personnel avec les œuvres exposées ; les conférences ayant eu lieu autour de l’exposition ont été filmées et sont ici mises à disposition du grand public curieux de compléter ses connaissances. Des concours sont même mis en place pour les personnes désireuses de se frotter à l’art d’Hokusai, puisqu’ils proposent aux internautes de réinterpréter des œuvres d’Hokusai à l’heure du design, puisque les œuvres sont destinées à être imprimées sur des t-shirts. Ainsi, l’influence de l’art d’Hokusai apparait ici dans toute sa contemporanéité.

Mais revenons à cette fameuse salle dédiée à notre sujet, l’influence de l’estampe japonaise sur l’art européen du XIXe siècle. Cette salle qui a pour nom dans l’exposition, « Hokusai, une histoire française », et l’article qui en donne le résumé permet de dévoiler à grands traits l’influence majeure d’Hokusai sur l’art français. Cette influence débute dès 1856 avec les œuvres sur porcelaine de Felix Bracquemond, et s’étend aux œuvres des impressionnistes comme celles de Monet ou Van Gogh. Ce japonisme est grandement relayé par des critiques et collectionneurs qui participent à donner à ce courant ses lettres de noblesse. L’article prend l’exemple de personnages tels qu’Edmond de Goncourt ou Vincent Van Gogh qui veulent, à travers le japonisme, régénérer l’art occidental.  L’article se termine par une courte chronologie situant la fin du japonisme à la fin de l’art nouveau.

Tout en donnant des éléments importants sur la portée de l’œuvre d’Hokusai en France, malgré un format très court, l’article n’échappe pas à quelques critiques portant notamment sur les images utilisées. En effet, tout en permettant d’illustrer le texte, elles donnent aussi à croire qu’elles sont des images des œuvres présentes dans l’exposition. Or, Il n’en est rien pour les tableaux de Monet qui n’apparaissent à aucun moment dans l’exposition du Grand Palais.

Oeuvre faisant partie de la série

Hokusai, Inume pass in the Kai province, 1830 Oeuvre faisant partie de la série « 36 vue du Mont-Fuji ». Licence libre de droit Wikipedia

Pour compléter cette présentation de l’exposition, je ferais une courte revue de la muséographie choisie par le Grand Palais. Le parcours dans l’exposition est classique puisqu’il suit la chronologie de l’artiste, mais cela est assez bien justifié par la pratique japonaise de changement de nom suivant les étapes de la vie. Ainsi, les périodes artistiques d’Hokusai sont très reconnaissables grâce à cette pratique du changement d’identité, puisqu’à chaque nom correspond un style, des orientations différentes.Par exemple, l’oeuvre présente ci-dessus fait partie de sa période IITSU, s’étalant de 1820 à 1835. Le dossier pédagogique présent sur l’article du Grand Palais, cité précédemment, résume très bien cette identité caméléon d’Hokusai, tout en proposant des fiches explicatives de certaines œuvres. Une lecture en amont de ce dossier permet assurément une meilleure visite, il est donc dommageable que ce genre d’outils ne soit pas mis en avant dans le site, par exemple lors de l’achat des billets.

Je terminerais par indiquer un autre article du blog, qui est complémentaire au sujet traité ici, puisqu’il s’intéresse de manière plus originale à l’influence de l’art européen sur les œuvres d’Hokusai  Cette question a aussi été traitée dans l’exposition monographique à travers les textes explicatifs qui remettent toujours en perspective de manière pédagogique les œuvres exposées notamment en analysant la relation d’Hokusai à l’art européen.

N.D.

Le japonisme hors de France : une approche plus hésitante

   L’article que nous proposons ici veut donner un aperçu de la place et du traitement accordé, dans les ressources numériques, au japonisme hors de France.
Le japonisme est en effet souvent présenté comme un mouvement s’étant propagé dans toute l’Europe, cependant, la plupart des articles même non francophones se réfère principalement à son développement en France, et notamment aux artistes français qui se sont inspirés de l’art japonais (ainsi, par exemple, l’article « Japonisme » sur le site Heilbrunn Timeline of Art History du Metropolitan Museum of Art). Cela s’explique peut-être par le fait que la prise de conscience de l’omniprésence et de l’influence de l’art japonais a eu lieu en France, de même que par la suite, l’analyse et la progressive théorisation de cette influence. On relèvera notamment que le terme « japonisme » communément adopté dans toutes les langues a été institué par un collectionneur français.

    Un peintre étranger est cependant assez régulièrement cité, il s’agit de James Whistler, peintre d’origine américaine mais qui passa la plus grande partie de sa vie en Europe, entre Londres et Paris. Cette forte implication à Paris explique peut-être la place qui lui a été accordée dans le japonisme, car même si ce courant est présenté comme s’étant tout d’abord développé en Angleterre, à l’occasion de l’exposition universelle de 1862, cette information concernant l’Angleterre est souvent la seule évoquée, l’entrée en scène de la France quelques années plus tard surpassant le contexte artistique anglais.
L’intérêt porté à Whistler s’explique aussi par son intégration dans la nouvelle démarche qui occupe les historiens de l’art étudiant le japonisme. En effet les articles qui évoquent l’artiste mettent en avant la double influence du Japon dans ses œuvres : elles se divisent en une première phase où prime tout d’abord l’intégration de motifs typiquement japonais, avant que les œuvres de Whistler ne se tournent vers une réappropriation des principes de composition et de l’organisation spatiale des estampes japonaises. Cette différenciation entre une influence superficielle et une plus déterminante pour l’art du XXe siècle correspond à la lecture privilégiée du japonisme à l’heure actuelle, comme notre article ‘Le regard du XXIe siècle sur le japonisme‘ l’expose.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

   Cependant le chemine artistique suivi par Whistler se développant par la suite au-delà de l’influence de l’art japonais, cet aspect de son œuvre n’est pas la plus commentée. Le site Heilbrunn Timeline of Art History du Metropolitan Museum of Art propose ainsi un lien vers une ressource en ligne, un site de l’université de Glasgow sur les correspondances de Whistler, qui propose une rubrique biographique où il n’est pas fait mention de l’influence de l’art japonais sur son œuvre. Afin d’approfondir, le rapport de l’Angleterre au japonisme, nous proposons un article sur l’artiste britannique Aubrey Breadsley (lien à suivre) dont l’œuvre a été récemment examinée à travers ses rapports avec le japonisme.

    A ceux que la question du japonisme en Belgique intéresserait, nous proposons deux liens vers des articles du même auteur, Julie Bawin qui est présentée par le site Korekos dont est issu l’un des articles, comme l’une des rares spécialistes du japonisme en Belgique avec Yoko Takagi, ce qui dénote des faibles prolongements en Belgique de l’étude du japonisme. Le premier article est proposé sur le magazine en ligne de l’université de Liège, Culture, intégré à un dossier sur le Japon. L’article intitulé « Le Japonisme : Naissance et prolongements » se veut assez généraliste, il replace le développement du japonisme en Europe avant de s’intéresser plus précisément au cas du japonisme en Belgique  et d’expliquer les raisons de son développement plus tardif. L’article propose également une ouverture sur les liens de ce courant avec l’architecture, et sur ce que l’auteur nomme le « néo-japonisme » des années 50.

    Le second article « Le Japonisme en Belgique, l’affiche Art Nouveau et l’estampe ukiyo-e » est un article très développé sur la relation entre ces thèmes. Nous invitons le lecteur intéressé à le découvrir et nous souhaiterions dire quelques mots du site sur lequel il pourra le consulter, Koregos. C’est une revue et une encyclopédie multimédia en ligne consacrées aux arts, et souhaite mettre à profit les techniques numériques nouvelles afin de « promouvoir la diffusion de la culture et permettre à tout un chacun de s’en emparer ». L’article est ainsi plus véritablement un dossier, qui comporte outre le corps du texte, des petites rubriques qui présente l’auteur, un résumé et un sommaire. Cependant nous pouvons regretter que l’article qui nous intéresse ne soit pas divisé en différentes parties, il se présente d’un seul tenant et n’est donc pas forcément très digeste. De plus les illustrations sont présentées en petit format, elles doivent être sélectionnées afin de mieux les voir. Il n’y a donc pas un grand confort visuel de lecture des images qui sont cependant essentielles dans un article d’histoire de l’art.

   Enfin nous proposons un lien vers la présentation d’une exposition qui a eu lieu au Petit Palais en 2010 sur un artiste d’origine italienne, Guiseppe de Nittis, qui présente certaines influences japonisantes dans son œuvre. Le site est particulièrement intéressant, il présente une vidéo de l’exposition, des réproductions de bonne qualité de certaines œuvres ainsi qu’un dossier de presse très complet.

H.A.

Bibliographie

« Bilographical notes » in The Correspondence of James McNeill Whistler. University of Glasgow. En ligne [consulté le 17/04/2015].

« Guiseppe De Nittis. La modernité élégante » in Petit Palais. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. En ligne [consulté le 10/04/2015].

BAWIN, Julie, « Le Japonisme, Naissance et prolongements » in Culture. Université de Liège, 2010. En ligne [consulté le 10/04/2015].

BAWIN, Julie, « Le japonisme en Belgique, l’affiche Art Nouveau et l’estampe Ukiyo-e », in Koregos, 2003, mis en ligne le 08/10/2014, [consulté le 10/04/2015].

IVES, Colta, « Japonisme » in Heilbrunn Timeline of Art History. New York: The Metropolitan Museum of Art, 2000. En ligne [consulté le 17/04/2015].

La diffusion des estampes à partir de collections personnelles : l’exemple de Théodore Duret

La diffusion des estampes à partir de collections personnelles : l’exemple de Théodore Duret

Les échanges commerciaux entre le Japon et la France sont de plus en plus intenses à la fin du siècle. Les navires échange des biens mais aussi une part de la culture des deux pays. Les navires embarquent marins et marchands mais aussi des intellectuels. Ils découvrent de nouveaux modes de vie et des traditions qui se traduisent aussi visuellement. Ces férus d’art japonais et plus particulièrement d’estampes veulent faire partager leur passion qui se concrétise par une collection d’oeuvres d’art. Parmi eux on peut citer Théodore Duret.

 

Édouard Manet: Portrait de Théodore Duret 1868

Édouard Manet:
Portrait de Théodore Duret
1868

Théodore Duret est un historien d’art français né en 1838. Entre 1871 et 1872, il fait un voyage en Asie. Il se passionne alors pour l’art japonais. Il collectionne les estampes des grands maîtres et aide à leur diffusion en France. Loin de considérer le Japon et ses artistes comme une terre colonisable Duret voit les rapports entre les deux pays comme un échange. Le Japon est une inspiration même si un dialogue entre les arts, les techniques se confrontent, interagissent sans perdre de leur puissance et de leur l’indépendance.

 

Né de cette rencontre une émulation favorable aux artistes comme en témoigne la volonté du peintre Kuroda de traduire et de publier en japonais l’ouvrage de Duret sur Van Gogh.

Seïki Kuroda

Seïki Kuroda (1866-1924) est un peintre japonais venu étudié la peinture en France dans l’atelier de Raphaël Collin à Paris. Il rentre au Japon en 1893 et diffuse l’art occidental et une manière de peindre à cheval entre les deux cultures. Sa toile La Toilette du matin, est présentée en 1895 à la quatrième Exposition japonaise pour le développement de l’industrie et du commerce. Il fait scandale de fait la présence d’un nu encore tabou dans les représentations officielles au Japon. Il enseigne à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Tokyo dans le département Yoga (département qui concerne le style de peinture occidentale).

Seïki Kuroda, Petite fille à Bréhat, Huile sur toile 80,6 cm x 54 cm 1891 Bridgestone Museum of Art, Ishibashi Foundation, Tokyo

Seïki Kuroda, Petite fille à Bréhat, Huile sur toile
80,6 cm x 54 cm
1891
Bridgestone Museum of Art, Ishibashi Foundation, Tokyo

 

Les échanges entre les artistes les critiques d’art sont intenses malgré la distance. Les nombreux voyages entre les deux pays sont fréquents et les voyageurs s’intéressent aux collections et aux nouveautés culturelles. Ce n’est pas un apprentissage des grands maîtres du passé mais une confrontation des artistes à leur homologues. Les collections de Duret sont vendues à la fin des années 1890. À cette occasion les oeuvres sont certainement visibles du grand public qui peut aussi admirer une collection d’estampes à la BNF (Bibliothèque Nationale de France) a qui Duret a fait un don. D’autres oeuvres d’importantes appartiennent à la collection Cernuschi avec qui Duret à voyager au Japon. Les oeuvres dont certains chef-d’oeuvre en bronze sont visibles dans hôtel particulier du collectionneur près du Parc Monceau à Paris. Aujourd’hui on peut visiter le musée qui porte son nom. Duret est aussi un collectionneur d’art français et plus particulièrement d’impressionnistes. Le collectionneur l’amateur et l’acheteur d’oeuvres d’art est alors le pont entre les deux cultures et permet la découverte et la mise en relation.

J.D.

Webographie :

Denys RIOUT, « DURET THÉODORE (1838-1927)  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 26 avril 2015. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/theodore-duret/

Shimegi IMAGA,  » Théodore Duret et le Japon », Persée (en ligne), consulté le 24 avril 2015. URL:http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1988_num_79_1_347694

Le Petit Palais, « Portrait de Théodore Duret », consulté le 23 avril 2015. URL : http://www.petitpalais.paris.fr/fr/collections/27/portrait-de-theodore-duret

François BERTHIER, François CHASLIN, Nicolas FIÉVÉ, Anne GOSSOT, Chantal KOZYREFF, Hervé LE GOFF, Françoise LEVAILLANT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Shiori NAKAMA, Madeleine PAUL-DAVID, Universalis, « JAPON (Arts et culture) – Les arts », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 27 avril 2015. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/japon-arts-et-culture-les-arts/

Musée virtuel de Bréhat, « Peintres : Seïki Kuroda », Conculté le 27 avril 2015. URL : http://www.musee-virtuel-brehat.fr/peintres/i-z/kuroda.html